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Le regard des sens

Cette semaine, petit point littéraire ... Une petite transcription d'un ressenti littéraire ... Un test ... 

 

A travers son livre « le regard des sens « , Juhani Pallasmaa souhaite nous éclairer sur l'architecture et son rapport aux sens. Au départ appelé « les yeux de la peau « , ce livre est un essai de théorie architecturale étoffé par de nombreux exemples et références.

Cet architecte finlandais est né en 1936. En plus d'être architecte, il a aussi été professeur dans plusieurs universités (européennes, américaines ...). Un de ces livres les plus connus est « le regard des sens « . C’est une œuvre de théorie architecturale très connue ; à tel point qu'il est un classique des écoles d'architecture.

Cette œuvre, va ainsi s'appuyer sur des données psychologiques, philosophiques, historiques et architecturales pour démontrer la place centrale des sens. Pour ce faire, il va découper son raisonnement en plusieurs réflexions.

Il faut dans un premier temps comprendre la visée de ce texte : dans la préface il souhaite placer le lecteur dans la position d'un étudiant en architecture qui doit apprendre à écouter et comprendre la mesure du bruit. Le lecteur doit donc se placer dans la position d'un élève, il doit lire et comprendre.

 

Le corps étant lieu de la perception; il s'agit donc de comprendre le rôle des sens dans la conception, l'enseignement et la critique de l'architecture.

Voici donc un balayant du livre à travers ces axes. 

 

         LA VUE  - La vue est le sens noble historiquement. On en parle depuis l'antiquité et la vue est même interprétée comme "métaphore de la vérité"

Ce centrisme oculaire se reflète dans les villes et l'architecture. En les observant on peut en conclure que l’inhumanité est une conséquence de la négligence du corps et des sens. Pour comprendre toute l'importance du centrisme oculaire, J.Pallasmaha prend le partie de s'intéresser au passé de l'ensemble des sens.

Il émet donc une critique de ce centrisme.

    LE TOUCHER - D’autres sens tel que le toucher ont par exemple reçus les mêmes éloges que la vue. Où la vue a proprement dit, est étendue à tout le corps : c’est alors la vision corporelle. Ainsi, il ne va pas que dans le sens de l’œil « sens supérieur » ; Il renforce même cette idée en parlant d’un œil narcissique voire nihiliste. Le centrisme oculaire peut même mener dans certains extrêmes. (propagande ...). Dans le même sens on peut penser à l'architecture traditionnelle qui est "liée à la sagesse tacite du corps". Le corps et son impact guidaient donc la construction et non la vue.

De même, malgré la prédominance de la vue, il ne faut pas oublier qu’au départ nous sommes issus d’une civilisation fondée sur une communication orale. La parole et l’ouïe sont donc des outils considérables. 

Après eux le toucher, le gout et l’odorat sont venus asseoir une existence collective. Il faut donc retenir que l’instinct et l'inconscient ont d'abord choisi l'ouïe, ce qui montre bien qu'il ne faut pas s'arrêter à une lecture basique. En effet, la vue n'est pas "le" sens. Et au même point, l'ouïe n'est pas non plus "le" sens. Il s'agit plutôt de la conjugaison des sens.

 

En ayant appréhendé les sens, on peut alors avoir une démarche éclairée pour aborder l’architecture.

Par la suite les sens vont cependant prendre la place que l’on a évoquée précédemment. Ainsi l’harmonie et la perception vont être appuyés par les sens pour développer l’architecture, et en particulier LE sens : la vue.

On retombe donc avec ce sens primordial. L'architecture est au final basé sur l'apparence et la plasticité visuelle. Il renforce cette affirmation en évoquant la publicité. En effet cet art rétinien enferme l'architecture : on apprécie plus une belle photo d'architecture dans un magasin au papier glacé; que de vivre cette architecture. A ce sujet S.Sontag parlera même "d'une mentalité qui regarde le monde comme un ensemble de photographies potentielles". L'architecture devient donc une image.

 

Enfin, il évoque aussi l'art, qui dans son évolution met en exergue la place de la vue ; l'art était concentré sur une perfection esthétique et donc visuelle. Mais il va se libérer et on a vu de nombreux courants souhaitant affecter tous les sens.

 

Finalement l'importance de la vue est un thème indiscutable de la pensée occidentale. La vue est représentative du monde puisqu'elle s'adapte et évolue aussi vite que lui. Mais ce sens reste sans réelle traduction technologique. On peut alors se demander : En architecture la vue est elle vraiment le seul sens à séduire?

 

 

LES AUTRES SENS

Même si la vue tient une place conséquente il était nécessaire de s'intéresser aux autres sens.

 

Tout d'abord J.Pallasmaha a trouvé nécessaire de nous rappeler l'élément premier auquel il faut s'intéresser : le corps. Au delà des sens, le corps est le réel "centre du monde expérimental". Par exemple l'homme a commencé à bâtir avec pour outil de mesure son corps, le sens architectural découle donc du corps et de ses ressentis.

 

Le corps est composé de plusieurs sens. La vue, l'ouïe, le toucher, l'odorat et le gout; qui nous relient au temps et à l'espace. Ainsi les sens nous relient au monde. Or le monde est le contenant de l'architecture. Pour essayer d'appréhender l'architecture il faut donc se pencher sur LES sens. Elle restera d'autant plus à échelle humaine.

 

De cette généralité découle un rapport aux sens bien différent. L'homme, et l'homme en architecture doit donc avoir un comportement multi-sensoriel. Effectivement tout ce qui nous touche fait appel à NOS sens.

 

Néanmoins un sens est réellement primordial aux yeux de J.Pallasmaha. En effet des l'introduction il nous dit qu'il faut "toucher le monde". Il faut donc s'intéresser au tactile. Les autres sens sont alors des extensions, des "spécialisations de la peau".

 

Ainsi, pour faire un parallèle avec le sens historique "premier" on peut s'intéresser au lien entre toucher et vue.

Dans cette optique, le regard devient un toucher inconscient, un mimétisme corporel. Dans l'architecture on peut même comprendre la maitrise de la perspective, des profondeurs... par le sens du toucher qui nous donne des "repères". La vue est donc une sorte de "toucher".

 

Le toucher rentre même en compte lorsqu'il s'agit de souvenir ou de moments émotionnellement importants. En effet, l'homme a alors besoin de toucher, d'imaginer un contact ... et pour cela il va même fermer les yeux.

Ainsi l'ombre est nécessaire pour rendre le toucher essentiel. Effectivement avec l'ombre et l'obscur on ne peut plus se fier à la vue, on doit donc "ressentir" et ce avec le toucher ou tous les sens

 

Pour évoquer un autre sens, l'ouïe est elle aussi un autre "toucher". omniprésent, amène cadre temporel même inconscient, ainsi il faut aussi écouter un bâtiment pour mieux ressentir ses formes, ses espaces ... on apprécie un espace par son écho. Créer lien avec le monde puisqu'il rend relation et solidarité.

 

De même l'odorat doit aussi avoir une place. Dans cette idée "le nez oblige les yeux à se souvenir". L'odorat fait donc rentrer en échos d'autres sens tel que la vue ou le toucher. On associe une odeur à une forme, un toucher à une matière, ... Mais c'est principalement le contact qui nous impacte. Au final on va utiliser des mots du toucher comme "doux", "dur", "tendre" ... pour décrire un gout.

 

Dans cette idée, on peut évoquer le gout. En effet l'homme ne peut pas définir un gout en dehors des autres caractéristiques sensorielles de ce qu'il a gouté. Lorsque l'on goute on associe au produit, une texture, une odeur, une forme, un bruit. Cette théorie se vérifie d'ailleurs en gastronomie.

 

Quant au toucher lui même c'est un sens bien complexe. J.Pallasmaha dira même que les mains ont leur propre culture, leur développement, leurs désirs, ... Les mains sont donc une entité particulière. La peau lit alors le monde.

On peut alors dire quelques exemples architecturaux : la poignée est la main

 

 

L'architecture comme on vient de l'expliquer est donc façonnée par le corps et les sens. Néanmoins il ne faut pas oublier le rapport de l'architecture au corps et aux sens. L’architecture et ses objets "renvoient l'action possible de mon corps sur eux". Elle le fait donc réagir. En architecture il ne faut pas aborder les choses formellement, il faut aller au delà, les ressentir.

Néanmoins formellement les sens ont eux aussi un impact sur l'architecture. Effectivement, pour créer un bâtiment ou un objet on s'inspire de leurs fonctionnalités, du contexte, du mouvement, de l'équilibre... Chacun de ces éléments étant des expériences sensorielles.

 

De plus, il faut aussi retenir que l'architecture et les sens qu'elle met en œuvre nous façonnent. On existe dans un temps et un lieu donné.

 

Finalement, l'architecture découle des sens, mais surtout du toucher présent dans chacune des expériences du toucher, de l'ouïe, de l'odorat, du gout. Avec 5 sens ont peut donc considérer qu'il existe 5 "architectures" au minimum. Mais il faut toujours percevoir s’il s'agit d'une architecture des sens.

 

 

En conclusion, J. Pallasmaa nous apporte un regard éclairé sur les sens en architecture. Tout d'abord il nous expose la réponse évidente, en apportant quelques éléments lui étant contraire. Le centrisme oculaire est bien réel mais est il vraiment total? Dans un second temps il va nous exposer son opinion, en nous démontrant que la "pensée commune" est erronée. En effet, il faut comprendre l'architecture par une approche multi sensorielle. En précisant cependant que tous les sens ne découlent en réalité que d'un seul: le toucher.

L'architecture doit donc vivre, être sensible, rentre perceptible ... et finalement par les sens, on peut réinventer la perception, réinventer le monde et donc réinventer l'homme, en ayant pour outil principal l'architecture.

 

Il s'agit donc d'une œuvre complète et très riche en documentation puisque l'auteur s'appuie sur de nombreux architectes, philosophes, scientifiques ...

 

 

On espère que cette lecture vous a plu 

A très vite -